J’ai été indépendant quelques mois début 2012. Je rentrais alors d’un long voyage autour du monde. Et il m’était alors clair que je ne voulais pas retourner en SSII où j’avais passé 10 ans. Si j’y avais appris mon métier sur le tas, tout doucement, au fil des rencontres et des projets, je n’en pouvais plus d’entendre qu’il me fallait désormais faire un vrai métier, plus sérieux (rémunérateur?) que le développement logiciel, cette basse besogne à réserver aux débutants.
L’indépendance est pour moi synonyme de liberté totale : on s’organise comme on le souhaite, on choisit vraiment ses clients (je ne voulais plus travailler pour des clients dont je ne partageais pas l’éthique). Synonyme aussi d’autonomie et de responsabilité, ce que je trouve gratifiant : si cela marche ou si cela échoue, on ne le doit qu’à soit.
Depuis, il se trouve que j’ai quitté la stricte indépendance pour fonder Ninja Squad avec d’autres développeurs passionnés : on y a construit les statuts qui nous correspondaient. Certains nous voient comme une coopérative d’indépendants. Je peux comprendre que vus de l’extérieur on passe pour une brochette d’indépendants, mais on a un vrai projet d’entreprise, on partage tous les même pouvoirs et salaires (“un homme une voix”), on essaye de travailler tous ensemble, et on a des projets ambitieux sur notre avenir corporate qu’on se permet de financer sur nos fonds propres.
Es-tu satisfait de ton choix et comment te projettes tu dans l’avenir ?
Je ne regrette absolument rien. S’il se trouve qu’on a créé cette entreprise, c’est parce qu’on partageait la même vision de notre travail, et en aucun cas pour fuir le statut d’indépendant, que je conseille encore systématiquement aux gens qui se cherchent en sortie de SSII.
Etre indépendant, c’est avoir la liberté d’organiser son planning comme on le souhaite (dans la limite des desiderata clients qu’il faut toujours dompter), de s’octroyer du temps pour de la veille sur un sujet technique, une conférence, un projet perso.
Etre indépendant, c’est aussi la précarité. Et tant qu’on est dans une période où tout le monde cherche désespérément des développeurs, une précarité que je trouve très confortable : on n’est pas attaché à un employeur, une mission, un contexte. Si on veut changer, il suffit de le décider. Aussi je ne peux pas me projeter dans l’avenir : ce statut est justement celui qui me permet de ne pas l’avoir tout tracé contre mon gré (et ça j’aime bien).
Quant à l’avenir des indépendants en général, j’ai l’impression que ce statut est une tendance de fond qui émerge, s’amplifie, et devient de plus en plus “normal”. Les clients, du moins les intéressants, semblent de moins en moins réticents. Tout le monde y trouve son compte : les travailleurs sont plus impliqués ; les clients, qui ne voient pas la valeur ajoutée d’une SSII qui se contente de boucher les trous sans adéquation des compétences ni organisation des prestataires, ont tout intérêt à choisir des indépendants qui sont au courant des nouveautés techniques, et savent entretenir leur réseau et pointer les bons profils quand un nouveau besoin se fait sentir.
Comment trouves-tu tes missions ?
Si je travaillais sur Lyon depuis une dizaine d’années en SSII, c’est surtout pour moi la vie communautaire qui m’a créé un réseau. L’émergence des Java User Groups, les conférences techniques qui fleurissent, et l’omnipotence de Twitter ont à mes yeux vraiment changé notre métier. Si j’étais il y a quelques années un développeur lyonnais de ma SSII qui ne voyait chaque jour que son seul client (et chaque mois son seul commercial), je suis maintenant un développeur Java sans frontière, qui est au courant des nouveautés du monde dans la seconde, qui bénéficie de présentations techniques à domicile tous les mois, et qui rencontre le gratin des développeurs une ou plusieurs fois par an. Notre corporation n’a jamais été aussi accessible à l’échelle de la planète.
Il y a quelques années en arrière, un commercial pouvait être essentiel pour entretenir le contact local et trouver des missions. Mais aujourd’hui ce rôle me semble obsolète. Ninja Squad fonctionne très bien sans commercial.
Nous avons certes la chance d’être bien ancrés dans la vie associative locale (des organisateurs du LyonJUG et de Mix-IT), et d’être aussi visibles à plus grande échelle (une Java Champion et un champion de Stack Overflow). Et si on ne s’y attendait pas, la présence sur Internet compte aussi : on ne compte plus les contacts spontanés d’inconnus venus toquer à notre porte virtuelle pour nous proposer du job.
Le monde de l’informatique étant devenu si petit, et celui des indépendants me semblant plein d’entraide, j’ai l’impression qu’il suffit d’entretenir sa présence dans son réseau pour trouver sa place dans la chaîne alimentaire des projets et avoir vent de ceux qui nous correspondent. Tout le monde cherche des développeurs : il est probable que la difficulté soit plus dans la sélections des missions qui s’offrent à vous que dans la recherche désespérée d’une occupation gagne-pain.
Comment fais tu pour rester à jour au niveau des compétences requises dans le secteur ?
Chez Ninja Squad, nous avons institué un principe salutaire : pas plus de 4 jours de prestations par semaine. Cela nous laisse un jour par semaine pour travailler sur ce que l’on veut, et notamment faire de la veille sur les sujets du moment. On s’octroie aussi carte blanche sur les conférences.


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